Marie-Jeanne
Marie-Jeanne
Marie-Jeanne est le personnage narrateur de Starmania. Choeur antique, elle est la voix quinous parle, nous raconte et nous interroge sur ce que l’on voit. Dans l’ombre de l’Underground Café, le bar où elle est « serveuse automate », elle semble avoir un but simple, « j’ai juste envie d’être moi (…) un jour vous verrez la serveuse automate, s’en aller cultiver ses tomates au soleil ». Au milieu de l’agitation qui l’entoure elle reste calme et immobile en cherchant sa vérité: « je cherche le soleil au milieu de la nuit ». Elle veut s’élever, physiquement et spirituellement et face au chaos qui l’entoure mais semble perdre espoir « j’ai la tête qui éclate, j’voudrais seulement dormir, m’étendre sur l’asphalte et me laisser mourir ».
« Je suis Alex, j’ai 23 ans. J’ai grandi dans une famille de musiciens, c’est donc naturellement que j’ai appris le piano puis la guitare. J’ai commencé tôt à écrire et arranger des compositions pour mes sœurs et moi, et rapidement avec l’aide d’instagram j’ai dévoilé mes premières chansons sous mon nom. J’ai alors été approché par des producteurs, éditeurs… puis pris la décision de m’installer à Paris, sortir mes chansons sur les plateformes et faire des concerts parisiens. C’est comme ça que j’ai rencontré Raphaël Hamburger. Il m’a proposé de faire des essais pour le rôle de Marie-Jeanne.
Je suis non-binaire et j’utilise les pronoms il/lui, instinctivement c’était un point d’interrogation pour moi d’incarner Marie-Jeanne, est-ce que je me sentais prêt à me mettre dans la peau d’un personnage féminin pendant 2 ans… puis rapidement j’ai compris que le discours de Marie Jeanne est universel, qu’elle est même l’expression de la neutralité, et que la portée de ses propos ne dépend pas de son genre. Je trouve que c’est un point intéressant qui donne de la profondeur au personnage. Je connaissais la plupart des chansons de Starmania, mais sans faire le lien entre elles, sans connaître l’histoire. J’ai grandi avec cette musique -mes parents écoutaient beaucoup de chanson française, et j’ai toujours
baigné dans l’univers musical de Michel Berger— mais c’est seulement en commençant de travailler sur ce projet que j’ai pris conscience de la dimension de l’œuvre, de sa force, et de la force de ses personnages.
Marie-Jeanne est un personnage très particulier. Elle est témoin de l’action, elle commente ce qui se passe, mais sans jamais faire pencher la balance, sans jamais essayer d’affirmer sa place, d’imprimer sa marque. Elle est un lien entre les personnages, et en même temps un lien entre ce qui se passe sur scène et le public, comme le coryphée de la tragédie antique. Elle brise le «4ème mur», cette frontière symbolique qui sépare le plateau de la salle, pour s’adresser directement au spectateur. Marie-Jeanne est la serveuse automate, dépassée par tout ce qui se passe au-dessus d’elle, au-dessus de l’Underground Café. Elle a des désirs, des envies, mais elle ne sait pas exactement de quoi. Elle chante: ‘’je voudrais seulement faire quelque chose que j’aime, je sais pas ce que j’aime c’est mon problème’’ et continue à mener sa vie de manière automatique, passive. Observatrice de
la vie des autres plus qu’actrice de sa propre vie. Au fond d’elle, il y a une grande douleur, très enfouie, où se mêle aussi beaucoup de douceur. C’est ce que reflète la douceur de ses chansons.
Ce qui est passionnant dans le travail avec Thomas Jolly et Samy Zerrouki, c’est la dimension collective. C’est capital pour eux que chaque chanteur ait une vision de l’ensemble des personnages, pour renforcer les liens entre eux, rendre cohérentes leurs interactions. On a donc travaillé tantôt tous ensemble autour d’une table, à étudier la dramaturgie pour en rassembler tous les détails, tantôt par petits groupes, sur les thèmes de l’œuvre qui réunissent certains personnages-par exemple Marie-Jeanne et Stella autour de la tragédie antique. Cela m’a fait comprendre que ce n’est pas à l’extérieur de l’œuvre qu’il faut aller trouver des solutions, puiser l’inspiration, mais à l’intérieur, dans les textes des chansons, dans la musique. Je ne cherche pas à suivre des références, à ressembler à qui que soit, mais j’essaye d’être le plus authentique possible en allant chercher le maximum d’informations au plus profond de l’œuvre elle-même. En faisant abstraction des castings précédents, comme l’a voulu Raphaël, pour aller au plus près de l’émotion des personnages.
Un lien très fort s’est créé entre tous les chanteurs et chanteuses de Starmania 2022. On est liés par l’histoire, par les relations entre nos personnages qui sont tellement intenses. Avec Adrien, qui incarne Ziggy, ça a matché à l’instant même où on s’est rencontrés. Raphaël l’avait fait venir le jour de ma deuxième audition. Il y a eu une seconde de sidération, au moment où on s’est rendu compte de ce qu’on était en train de vivre. Puis, instantanément, avec évidence, la connexion s’est établie entre nous. Pour notre génération, ce qui est frappant c’est que les thématiques présentes dans Starmania sont totalement actuelles 45 ans après sa création: la question politique; la vision dystopique des villes et de l’écologie; le mal être des personnages hantés par le rêve de s’élever, d’échapper à leur destin. Et évidemment la dimension queer des personnages. Elle n’est pas un sujet, une question ou un enjeu, mais simplement une donnée de l’existence de chacun. C’est cela qui rendait l’œuvre visionnaire à sa création, et qui la rend aujourd’hui complètement juste, en phase avec le réel, avec le monde dans lequel nous vivons. »
Crédit photo : ©Anthony Dorfmann